Homo Imbecillus

Homo Imbecillus

Pourquoi l’homme moderne s’est-il donc auto-proclamé Homo sapiens ? Voire, comme si cela ne suffisait pas, Homo sapiens sapiens ? Par vanité, par orgueil, sans doute. Comme si l’homme était un super sage, un égal de Dieu… Car c’est bien l’imbécilité, et non pas la sagesse ou l’intelligence, qui est le propre de l’homme, sa qualité première, ce qui le distingue des autres animaux. Aliénation et servitude volontaire, massacres et génocides, mise en esclavage de ses semblables, destruction consciente de sa planète, l’homme moderne a commis toutes les avanies.

Pourquoi n’est-il pas resté chasseur-cueilleur, cet Homo sapiens ? Peut-être ne serait-il pas devenu un imbécile. Mais la révolution néolithique devait inéluctablement l’entrainer dans la pente de l’imbécilité. Car ce passage du paléolithique au néolithique fut bien une révolution : domestication des plantes et des animaux, sédentarisation, constitution de hameaux, puis de villages, émergence des premiers Etats. Mais aussi : esclavage (c’est l’homme qui est esclave de la terre et des animaux domestiques), spécialisation du travail entre les sexes, domination de la femme par l’homme, institution de la propriété privée, soumission volontaire à des chefs, guerres pour la propriété des terres, des animaux et des femmes… Avec l’agriculture et l’élevage, le temps quotidien consacré au travail s’accrut considérablement, la diète autrefois diversifiée et peu carnée se dégrada, affaiblissant la santé d’Homo sapiens devenu alors Homo imbecillus. L’homme se soumit volontairement à l’autorité de certains de ses semblables, il se mit à adorer des idoles qu’il créa lui-même à son image (les dieux). L’homme contemporain est désormais totalement aliéné, soumis aux évolutions de la technologie, au culte de l’argent et des objets, vénérant sa propre image, esclave de ses écrans, abruti par un travail répétitif et dont le sens lui échappe.

C’est ainsi que se poursuit la vie d’Homo imbecillus, de la naissance à une mort qui s’éloigne toujours davantage, mais qui n’en est pas pour autant plus dense ou plus riche. Soumis volontairement à un pouvoir inique qui accroit les inégalités entre les hommes, qui décide de sa vie, qui le soumet au bâton et à la carotte, qui contrôle son travail et ses loisirs obligatoires, qui lui octroie chichement, de-ci de-là, quelques espaces de liberté. Qui nourrit son désir de consommer toujours davantage, détruisant ainsi les dernières ressources de notre planète jusqu’à son inéluctable assèchement.

L’homme qui poursuit cette course suicidaire, en ayant une parfaite connaissance de ses conséquences inéluctables, n’est-il pas d’une imbécilité accomplie ?

Le chasseur-cueilleur ne connaissait pas la soumission au chef, le « grand homme » des tribus primitives n’était qu’un homme de paroles et de richesses partagées entre tous. Homo sapiens jamais n’aurait accepté de se soumettre, jamais la parole de conciliation du « grand homme » ne serait devenue ordre. Il ne connaissait pas non plus la propriété des biens et des êtres, ni la famine qui souvent détruisait les sociétés agricoles lors de mauvaises récoltes. 

Mais l’homme sédentaire, l’Homo sapiens sage et intelligent, ne pouvait accepter l’homme errant, l’homme nomade qui ne respecte ni les frontières ni les biens, qui ne respecte que la terre-mère, un homme non aliéné, vivant contraste qu’il convient d’effacer de la surface de la terre. Il s’attacha donc à détruire ces sociétés d’un autre âge par la maladie, la guerre d’extermination, l’assimilation, la sédentarisation.  Et c’est ainsi que disparurent Kaweskars, San ou aborigènes d’Australie. Nomades de la mer ou nomades des déserts.

Les derniers représentants de l’espèce humaine, avant sa disparition totale de la surface du globe, ne sont plus que des Homo Imbecillus abâtardis, se précipitant gaiement vers leur fin dernière.

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