Les voyages d'Ewon Baran

Extrait

Ewon est né dans un village des hautes terres du Rouchcar, le « pays des ours », dans sa langue natale. C’est un pays de profondes vallées, blotties entre les pics du massif des Alvettes, au cœur du continent. Les vallées furent peuplées, croit-on savoir, il y a quelque cinq mille ans par des peuples venus de la Méditerranée qui trouvèrent là un refuge contre les invasions barbares. Aussi loin que remonte la généalogie des Baran, leurs ancêtres ont toujours habité les vallées, certains ne les quittant au siècle passé que pour aller chercher fortune au-delà des mers, puis revenant au pays pour s’y marier et pour y être enterrés.

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Ewon et Adèle vécurent jusqu’à un âge très avancé. Ils ne voyagèrent plus en dehors de la vallée d’Anir. Ewon laissa son nom dans l’histoire comme un Maître de Musique respecté dans la principauté et comme un compositeur très prolifique. L’un de ses biographes dira d’ailleurs de lui que le dieu créateur, père d’Ekor, à défaut de génie, lui avait octroyé suffisamment de talent pour bâtir une œuvre. Ses pièces sont aujourd’hui jouées dans le monde entier et il est très certainement le citoyen des Alvettes le plus célèbre au monde.

Le rythme des origines, le rythme primordial, il le devina sans doute à travers les manifestations de la nature, rythme binaire, celui du jour et de la nuit, de la destruction et de la recréation du monde. Il chercha au plus profond de lui la mélodie qui recréerait le premier matin du monde, polyphonie basée sur ce rythme binaire et dont l’harmonie unirait enfin les contraires, comme au temps où le temps n’existait pas encore, où il n’y avait que le néant.

Il poursuivit sa quête tout au long de sa vie. Les musicologues, exégètes de son œuvre, décortiquèrent ses partitions, les musiciens jouèrent et rejouèrent inlassablement ses très nombreuses pièces mais, à ce jour, nul ne sait s’il découvrit finalement son Graal.