Les lamas du soleil

Extrait

L’homme est court sur pattes et il a le front bas. Une épaisse barbe noire dissimule un visage prognathe. Il a un nom, Mores, croit se rappeler l’Inca, mais il n’en est pas certain. Francisco va mourir, exécuté par un yanacuna, un serviteur, un de ces hommes sur lesquels il avait, il n’y a pas si longtemps, droit de vie et surtout droit de mort. Mais son temps est passé, il doit accepter la défaite. ……………..

Le soldat Mores lui passe le garrot autour du cou. L’Inca se souvient alors de la prophétie de son père, Huayna Capac. Les Viracochas débarqueraient sur leurs terres et conquerraient l’immense empire. Les valeureux soldats de l’Inca n’y pourraient rien, leur destin était écrit et déjà scellé dans la terre andine.

D’un coup de poignet, le soldat serre le garrot. Des os craquent. Il sait que le dernier Inca, Atahualpa, est mort.

…………………….

En un très bref instant, il vit comment les artistes du temps jadis construisirent les terrasses, comment ils appliquèrent des feuilles d’or sur les lamas afin de mieux refléter les rayons du soleil à la plus grande gloire du grand Lama céleste et de l’Inca. Puis il vit comment les serviteurs d’Atahualpa déposèrent le mallqui dans une niche, avec tous les honneurs dus à son rang. Il vit comment les idoles furent placées à côté de la momie, ainsi que les corps momifiés de personnages de haut rang qui accompagneraient la dépouille impériale. Le corps de l’Inca protégerait ainsi à jamais le site, apporterait la fertilité aux lamas et aux hommes, ferait croitre le maïs… Lui, Roberto, le dernier des Covarrubias accomplirait jusqu’au bout son devoir sacré de protecteur du mallqui.