Conversation entre amis

Conversation entre amis

-Sais-tu ce qu’il m’est arrivé ?

-Comment veux-tu que je le sache ?

-Je marchais dans la rue piétonne quand j’ai vu un homme à terre ; il semblait inconscient ; il y en avait un autre, très jeune, agenouillé à ses côtés.

-Oui ?

-Il y avait aussi une flaque de sang qui s’élargissait sous l’homme à terre, alors que l’autre tenait un couteau entre ses mains.

-Et alors, tu les connaissais ?

-L’homme inconscient était Jean-Louis, tu sais bien, le boulanger. Je dis « était » car il est mort.

-Et l’autre ?

-Enrico, son apprenti.

-Et ensuite ?

-J’ai essayé de secourir Jean-Louis mais c’était trop tard. Et j’ai appelé la police, ils ont arrêté Enrico.

-Mais tu étais sobre ? Tu avais dessoulé ?

-Evidemment !

-Et tu penses que c’est Enrico le meurtrier ?

-C’est évident, non ? En plus il était amoureux de Lisa, la fille du boulanger. Connaissant le bonhomme, ça ne devait pas lui faire plaisir. Il visait plus haut pour sa fille.

-Plus haut ? Quelqu’un comme toi, c’est ça ?

-Mais non, voyons, que vas-tu chercher ?

-Ne fais pas le naïf, toute la ville sait que tu la courtises, c’est un secret de polichinelle, mon vieux.

-Oui, bon et alors ?

-Alors, je ne vois pas vraiment Enrico en meurtrier, c’est un bon gars, je crois.

-Ne te fie pas aux apparences, je l’ai déjà vu très agressif.

-A propos d’apparence… Tu crois sans doute que tout est lié, que corrélation égale causalité. Mais non. Ce n’est pas parce qu’Enrico était présent en ce moment précis qu’il est coupable. Peut-être a-t-il vu son patron mortellement blessé. Il a voulu le secourir, a saisi le couteau par réflexe et il s’est taché de sang. Tu ne crois pas que ce soit possible ?

-Je ne comprends pas.

-Et bien, prenons l’exemple de deux événements séparés, qui se succèdent ou qui sont simultanés. Il peut y avoir une apparence de causalité, l’un qui pourrait être la cause de l’autre, mais il ne s’agit parfois que d’une simple illusion. La relation de cause à effet n’est parfois que le produit de notre imagination…

-Bon, d’accord, mais alors, que s’est-il passé, selon toi ?

-Il peut y avoir différents scenarii, mais voici mon préféré : tu as tué Jean-Louis car il ne voulait pas laisser sa fille à un viveur et noceur comme toi. Ensuite, tu disparais et tu reviens juste au moment où Enrico était penché sur lui. Plus rien ne te sépare de Lisa désormais.

-Arrête de dire des bêtises ! Moi, un meurtrier ? Et comment pourrais-tu le prouver, d’ailleurs ? Et pourquoi pas toi ?

-Oui, pourquoi pas moi ? Mais je n’avais aucune raison de tuer Jean-Louis, je ne suis pas amoureux de sa fille, moi ! Toi, par contre…

-C’est ridicule !

-Ah, mon ami ! Mais c’est évident, voyons. Regarde-toi ! Tu es pâle comme un spectre, le rebord de ta manche droite est taché de sang. Tu es droitier, n’est-ce pas ?

-Evidemment que je suis pâle, on ne voit pas tous les jours un mort… Et je t’ai dit que j’ai essayé de le secourir, c’est pourquoi ma manche est rouge.

-Si tu avais tenté de le secourir, tu l’aurais fait avec les deux mains. Une seule main signifie que tu portais un couteau. Dans ta main droite. Allons, mon vieil ami, rends-toi, c’est le meilleur conseil que je puisse te donner.

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