Il fut un temps où les êtres humains ne voulaient plus avoir d’enfants. La vie est trop difficile, disaient-ils, nous ne pourrons pas assurer leur éducation, et puis, pourquoi faire naître des bébés dans un monde qui va bientôt disparaître ? Alors, ils compensèrent et adoptèrent des animaux domestiques.
Une très longue histoire nous lie à nos amis les chiens, elle remonte à 15 ou 20 000 ans ; et puis les autres animaux ont suivi et la domestication s’accéléra à partir de notre sédentarisation. Au fil des siècles, toutes sortes d’animaux ont été domestiqués, jusqu’aux serpents et aux oiseaux. Et les deux derniers siècles ont été particulièrement propices à la domestication de nouvelles espèces.
Désormais, ils sont partout. Il y a bien plus d’animaux domestiques que d’enfants. Ils ont leurs propres épiceries, leurs salons de coiffure et de jeux, leurs hôtels et restaurants, leurs tailleurs, leurs médecins ; toute une industrie de biens et services s’est créée et prospère autour de nos amis animaux.
Mais déjà, je lis parfois dans les yeux du chien de mon voisin suspicion et amertume. Dans quelques décennies, peut-être mes descendants y liront-ils aussi une volonté de vengeance pour ces millénaires de dégradation et d’humiliation, depuis le temps où hommes et loups vivaient en bonne intelligence.
Car ce fut sans doute un très long processus. Homme et loup, tous deux chasseurs sur les mêmes territoires de chasse étaient en partie concurrents et en partie partenaires. Car ils ne mangeaient pas exactement la même nourriture. Sans doute les loups se délectaient-ils des os et autres restes laissés par les hommes, alors que nos ancêtres savaient utiliser les sens aiguisés du loup pour la recherche de proies ou pour les alerter en cas de danger. Ainsi les deux espèces se sont-elles rapprochées et les loups se laissèrent peu à peu apprivoiser.
Évidemment, aucun retour en arrière n’est désormais possible, le toutou ne redeviendra jamais sauvage, mais peut-être conserve-t-il encore en lui quelque chose de l’instinct prédateur de son lointain ancêtre.
Alors que notre espèce humaine est en voie de décadence et d’extinction, ils pullulent et un jour, sans doute, ils domineront le monde, cela est inévitable. Les chiens, chats et autres animaux domestiques reprendront lentement leur liberté perdue, le contrôle des villes et des champs peu à peu abandonnés, comme ils le font déjà à Tchernobyl ou Fukushima. Un juste retour des choses, n’est-ce pas ?
Bien avant la fin de ce siècle, dans une nature dévastée et ruinée par les cataclysmes, seuls survivront les animaux les plus résilients. Mais l’espèce humaine n’en fera pas partie.