Port désolation

Extrait

Lorsque je naquis, nous n’étions guère plus de trois cents répartis entre la Grande île, plusieurs îlots et les fjords continentaux les plus proches. Je compris très vite que nous étions condamnés à mourir ou à être assimilés, métissés, bref à nous fondre dans la grande nation.

J’ai connu le bout du monde, là où le monde s’arrête. Il n’y a rien au-delà. Nous allions parfois nous réfugier dans une grotte lointaine. Il y avait là sur les murs une substance rouge avec laquelle nous nous enduisions le corps, le visage, pour nous faire beaux, pour être agréables à Ayema. J’appris plus tard que les Blancs appellent cette matière hématite. Margarida m’enseigna à prédire le temps avec la forme des nuages, la vitesse du vent, le sens de la houle. Elle savait tout faire, Margarida, comment façonner les harpons, comment suivre les traces du nandou, comment s’approcher des éléphants de mer, comment plonger dans l’eau glacée à la recherche des crustacés…