J’ai été pris sur le fait pour une broutille: le vol d’un satellite. Pas un satellite artificiel, mais une mini-planète, celle qui tourne autour de la terre. Un groupe d’hommes d’affaires astro-sirusiens m’en avait passé commande pour y créer un centre de vacances. J’aurais pu aller voler un astre au fin fond de la galaxie, mais j’ai trouvé plus simple et moins coûteux (pour le transport) de chiper la première planète à ma portée. Bien mal m’en a pris, car la police interplanétaire m’a arrêté en flagrant délit. Évidemment, une planète aussi proche de la terre était fort bien gardée. Comme je suis récidiviste (voler est mon métier), le tribunal décida de se débarrasser de moi et m’envoya, sous bonne escorte, sur un astre-prison.

Comme tous les voleurs et escrocs de mon espèce, j’ai donc été exilé au fin fond du cosmos, sur le lointain « soleil couchant ». Je suppose que les autorités ont choisi un nom poétique pour adoucir notre séjour, ou peut-être pour nous signifier tout simplement que nous ne sortirions jamais de cet endroit et que, pour nous, il n’y aurait jamais plus d’aurore. Par ailleurs, les autorités pénitentiaires ne manquent pas d’humour: le soleil le plus proche est fort éloigné de la prison qui est constamment éclairée par une lumière artificielle.

Peut-être le hasard a-t-il bien fait les choses ! Autant que je m’en souvienne, depuis mon plus jeune âge j’ai toujours voulu me plonger dans l’irréalité de l’univers. Car notre univers n’a bien évidemment pas d’existence réelle. Il est né le jour de ma naissance et disparaîtra avec moi. Le monde est une illusion, créée par chaque homme pour lui-même, inconsciemment sans doute, afin de mieux supporter l’absurdité de son existence. Quelle aurait été ma réaction si j’avais constaté en naissant que seul le néant m’entourait ? Je me serais sans doute suicidé ! Mais encore me fallait-il prouver ma théorie contre tous ceux qui, depuis des siècles, inventent de soi-disant philosophies pour apaiser leurs angoisses: le monde a un sens, l’histoire a un sens, qui est de montrer le lent cheminement de l’homme vers son accomplissement…