Le vent souffle par rafales violentes dans l’immense plaine. Il roule devant lui branches cassées, feuilles mortes et chardons. Les arbres qui perdent leurs parures, bouleaux, chênes et hêtres, hurlent à la mort. Les sapins, fins et souples comme les joncs qui poussent dans l’Araw, oscillent, courbent l’échine vers leur mère, Ayan, puis se relèvent plus beaux et plus forts. Le vent avance, froid et violent, meurtrissant la terre, dominant le ciel et ses lourdes nuées noires qui fuient devant la tempête.
L’énorme Araw lui-même ne peut résister. Les vagues déferlent toujours plus vite, charriant arbres et animaux, et se jettent contre les berges abruptes. Par endroits, la terre cède, s’écroule avec fracas et est engloutie au fond du fleuve.
Des oies et des canards sauvages passent haut dans le ciel, se laissant porter par les ailes du vent.
Dans le méandre de l’Araw, le village des Akan souffre et geint. Certaines huttes perdent déjà leur toit de joncs, disloqué contre les arbres. Dans le hameau des Akan-Ixic, ceux-d’en-bas, les femmes et les enfants sont réunis dans la hutte d’Ixa. Ils se réchauffent les uns contre les autres, autour de quelques braises qui rougeoient encore. L’entrée est obstruée et la fumée âcre du bois de bouleau irrite les yeux et fait tousser les enfants. Il y a là, Ixa et Zaya, les femmes d’Ayaz, les vieilles Ravach et Nir, flétries et voûtées, et puis la belle Rax, encore très jeune, avec ses longs cheveux blonds aux reflets ambrés. Dans un coin, trois petits enfants s’endorment sur une peau de renne.